Nos ancêtres aimaient arborer des titres. On lit souvent que telle personnalité est qualifiée du titre «d’Écuyer» (Squire en anglais). Nos ministres se pavanaient du grade «d’Honorable». Pensez au «Très honorable sir Wilfrid Laurier», ou à «Son Honneur le maire G. Savon». Souvent nous rencontrons des personnages attitrés du qualificatif de «juge de paix». Or, cette qualité n’est pas qu’un titre de distinction. Il s’agit bien d’une dignité, oui, mais qui n’a rien d’une sinécure. De surcroit elle est gratuite et cette fonction gratifie souvent un partisan politique. Un journal, d’un fort penchant «bleu-conservateur», déplore le fait que «2 000 juges de paix rouges» furent nommés en 1879 (La Minerve, 1er février 1883), après l’élection du 26 juin.
Mais voyons de plus près cette tâche «décorative», qui a le mérite d’élever son détenteur dans la hiérarchie sociale du village: Un juge de paix est doté du pouvoir d’émettre des mandats, soit de perquisition ou d’arrestation, soit de faire comparaitre des témoins et un accusé, de le libérer sous caution ou de le constituer prisonnier en vertu d’un mandat de dépôt, et tenir un procès. Si l’accusé est trouvé coupable, les juges de paix lui imposent la peine prévue par le statut. C’est pas mince comme responsabilité ! «Il peut aussi nommer un ou plusieurs constables, si besoin est, pour exécuter ses ordres». (p. 20). «Il peut ordonner au shérif de payer les frais d’arrestation d’un prévenu condamné à subir son procès.» (p. 23). L’article 63 précise: «Les juges de paix ont juridiction en certaines matières civiles, telles que le recouvrement des taxes d’écoles, des cotisations pour la construction ou réparation des églises, presbytères ou cimetières, des dommages causés par les animaux et autres matières concernant l’agriculture, des différends entres maîtres et serviteurs, le salaire des matelots, les réclamations des emprunteurs contre les prêteurs sur gages et autres matières. Sur la réquisition des marguilliers ou tout curé ou prêtre faisant les fonctions ecclésiastiques dans une église, deux juges de paix peuvent nommer un ou deux constables à l’effet d’assister les marguilliers dans l’exercice de leurs devoirs (maintien du bon ordre dans ou près de l’église, dans la salle publique et aussi dans les chemins et places publiques y adjacents)». Aussi un juge de paix peut être appelé à prendre la déposition d’un mourant: «Supposons le cas d’un homme trouvé sur le bord de la route, privé de connaissance et portant des blessures tellement sérieuses que sa mort est prochaine. S’il y a crime et que cet homme reprend connaissance…il peut arriver que cet homme soit en mesure de donner des renseignements importants sur les circonstances du crime dont il a été la victime…» (p. 90). Dans l’univers de nos ancêtres, «tout agent de la paix est justifiable d’arrêter sans mandat tout individu qu’il trouve couché ou en état de vagabondage, de nuit, sur la voie publique, dans une cour ou ailleurs, s’il a des raisons de soupçonner qu’il a commis ou est sur le point de commettre quelque infraction au sujet de laquelle un délinquant peut être arrêté sans mandat… et de détenir cette personne jusqu’à ce qu’elle puisse être conduite devant un juge de paix pour être traitée suivant la loi.» (p. 92, 94). Voici quelques juges de paix de Chambly: Michel Adrien-Lamoureux, juge de paix, cultivateur (La Minerve, 28-9-1843)J-François Allard, juge de paix, seigneur et négociant (La Minerve, 28-9-1843)Basile Larocque, juge de paix, notaire (La Minerve, 28-9-1843)Michel Borne, juge de paix, surintendant du canal (La Minerve, 28-9-1843)Guillaume Demers, juge de paix, brasseur (La Minerve, 28-9-1843)Pierre-Paul Massé, juge de paix, commerçant (Scheffer: 26-5-1856; 29-7-1861).Noël Darche, juge de paix de Sa Majesté, député et maire (Scheffer: 29-1-1868; 16-2-1872) Célibataire. Paul-Henri Hudon Illustration: Code des juges de paix, publié en 1935, décrivant les pouvoirs et suggérant des formulaires de fonction. Disponible à la Société d’histoire. Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.