Sous l’ancien régime de lois, lorsque le mariage vacille à cause, par exemple, du risque d’endettement, et que le couple vit la discorde, on avait deux possibilités: la séparation de biens ou la séparation de corps et de biens. La séparation de biens empêche l’époux de dilapider le patrimoine personnel de l’épouse. Une séparation de corps n’annule pas le mariage, ne l’invalide pas. Les époux restent mariés, mais chacun reste sur son quant à soi.
C’est ce qui s’est produit dans le ménage du notaire de St-Mathias, François-Médard Pétrimoulx et de son épouse, Ursule Dorion, en 1821. «Ursule Dorion, séparée de biens par un jugement de cour, le 9 avril 1821, donne procuration à Noël Breux, pour s’occuper de ses affaires et régler ses procès entre le dit Pétrimoulx et la dite dame, pour retirer les deniers dus, sa rente viagère..» (Paul Bertrand, 17 mai 1833).Mais le plus étonnant dans cette dispute matrimoniale, c’est que l’épouse séparée, non seulement se fait remettre toutes les minutes de son mari, mais elle vend son greffe au notaire Louis-Joseph Soupras! Encore plus étrange, cette vente se produit suite à une procuration de son mari et à une approbation dûment signée par celui-ci: «Ursule Dorion, épouse de maître François-Médard Pétrimoulx, notaire, vend l’office de notaire, c’est-à-dire tous les actes, registres, répertoires et autres papiers composant l’office de maître Pétrimoulx depuis l’année 1798 jusqu’à ce jour».La procuration date du 28 octobre et l’approbation est signée le 31 octobre 1826. (Paul Bertrand, 30 octobre 1826). Mais que diable! Comment pouvait-on vendre le travail d’un notaire? Et de quel droit? Et pour quel avantage? Sept ans plus tard, il semble que la séparation de biens est devenue une séparation de corps: «Ursule Dorion, épouse séparée de biens avec François-Médard Pétrimoulx, demeurant à Saint-Philippe, signe un marché avec Anicet Boissaud forgeron de Saint-Mathias, et son épouse Émilie Grisé. Boissaud fournira à Ursule Dorion une chambre dans sa maison, la logera, nourrira, chauffera et éclairera; la nourriture sera composée de viandes fraiches, soupe, beurre, thé, pain et quatre verres de vin chaque jour. Il lui fournira un lit, tant qu’elle n’aura pas le sien… pour la somme de sept piastres d’Espagne par mois…» (Paul Bertrand, 22 avril 1833). Elle n’a donc aucun enfant qui veuille la prendre chez lui. Pourtant ce couple Pétrimoulx-Dorion avait eu au moins dix enfants, nés entre 1799 et 1823. Étrangement, le notaire Pétrimoulx ne semble pas dans la dèche. Il continue sa pratique de notaire dans la région de La Prairie, puis à Iberville, jusqu’en 1849. Ce que l’histoire peut révéler de bizarreries, n’est-ce pas! Paul-Henri Hudon Ce texte vous inspire des commentaires? Vous souhaitez émettre une suggestion? Merci de nous écrire.